Calendrier de l’Avent 13 Décembre

Jour 13 : Comme l’Arlésienne

Pourquoi « l’Arlésienne », à cause de mes origines méridionales.
En effet, dans le sud, en Provence où l’on lit Alphonse Daudet, l’expression « c’est comme l’Arlésienne » est entrée dans le « parlé » courant.
Cela signifie, comme dans le conte écrit en 1866, « une personne qu’on attend et qui n’arrive jamais », mais aussi « une chose dont on parle mais qui ne se produit jamais ».
Ce qui est tout à fait en phase avec ma « légendaire » saga de fantasy.

Vous le savez déjà, si vous avez lu mes précédents messages, tout a commencé durant des parties de jeu de rôle. Ayant découvert ce loisir ludique et captivant, je me suis lancé dans une série de scénarios, devenue campagne, dans laquelle j’ai insufflé tout mon goût pour la fantasy en général et des histoires épiques en particulier.
Le début de l’aventure se déroulait dans une région représentée par un bout de carte dessinée. De fait de la curiosité des joueurs toujours avides de « sortir de la carte » pour voir au-delà, d’autres cartes ont suivi, puis d’autres encore.
Au fil des séances de jeu, des histoires, des péripéties, et des nouvelles régions imaginées, un monde complet a vu le jour.
Pétri par mes lectures du moment (J.R.R. Tolkien, R.E. Howard et F. Leiber), je me suis lancé à corps perdu dans cet univers en le détaillant au maximum de mes capacités, structurant les régions en les saupoudrant de lieux mémorables, concevant des calendriers comme des zones météorologiques, j’ajoutai des classes et des races, ébauchai des bribes de langages originaux, et ainsi de suite jusqu’à remplir un grand classeur entier de notes, cartes, etc.

L’auteur étant prolixe, tous ces récits et aventures ne pouvaient demeurer longtemps pour le seul amusement durant des parties de jeu. Il y avait bien trop à voir, à explorer, à découvrir.
Tout naturellement, un roman a émergé, relatant l’existence d’un personnage particulier (un rôle endossé dans quelques séances), puis, comme cela ne suffisait pas à couvrir toutes les facettes de l’univers, de la vie de son père, avant de remonter plus loin encore dans le passé de ce monde, pratiquement mille années avant la naissance du héros principal.
Et c’est là que cela commença à se gâter!

Imaginez, un auteur débutant, novice dans la rédaction de roman, emporté par la fougue de la jeunesse et de l’imaginaire, se retrouvant à travailler sur une saga de plusieurs centaines de pages, chiffre augmentant régulièrement. Une tâche colossale, épique, comme de creuser un iceberg avec une cuillère à café, puis, grâce à l’expérience, obtenir une cuillère à soupe avant de finir par manier une pelle.
Hélas, impossible de voir la fin. De quoi se décourager plus d’une fois !
Des centaines, des milliers, d’heures de rédaction, de corrections, de relectures, de (re)travail. Plusieurs fois sur le métier remet ton ouvrage !
Bref, un travail qui a duré une quinzaine d’années avant de pouvoir poser le mot FIN sur la première aventure, une première saga de 1.893.951 signes ou 314.422 mots (plus de 6 NaNoWriMo !) courant sur plus de 700 pages format A4. Et déjà, deux autres histoires venaient titiller la fibre créatrice…


En avril 2008, un éditeur accepte le manuscrit de la saga, sous réserve de la découper en quatre romans de taille publiable. Les corrections éditoriales commencent pour le tome I.
En 2009, un illustrateur de talent est désigné, le fameux Raphael Del Rosario, qui commence à travailler sur les couvertures. L’idée est de réaliser une illustration à la manière d’une fresque courant sur les quatre tome de la saga. Un must visuel !
Hélas, l’éditeur en question s’avère être un escroc et tout le travail artistique comme éditorial est perdu en 2010. Seul le passage par la case « avocat » permettra de se sortir, à grands frais, de cette situation catastrophique.
Fin de l’aventure…

Illustration de couverture : Raphael Del Rosario

« Chat échaudé craint l’eau froide », il paraît, pourtant, impossible de laisser un tel travail tomber dans l’oubli. De fait, retour à la case re(re)lecture, quelques corrections, et revoici le tapuscrit prêt pour l’édition. Ne reste « plus qu’à » trouver une maison.
Mais, décidemment, cette saga semble frappée d’une malédiction, car elle est refusée à plusieurs reprises, trop longue, trop fantasy, voire même, en 2021, trop manichéenne. La mode semble avoir passé et l’engouement pour la fantasy à l’ancienne s’est émoussée.


En 2020, une tentative pour constituer un univers réservé pour les jeux de rôle, en rassemblant sous un seul opus l’intégralité des notes, cartes, plans et autres aventures, échoue à nouveau.
Manque de moyens, manque de temps, manque de motivation d’éventuels partenaires professionnels.
Bref, la saga demeure encore et toujours orpheline…

Allons, point de lamentations, rien n’est encore perdu.
Aussi, pour vous, lectrices et lecteurs, même si sa publication n’est sans doute pas pour tout de suite, voici un court extrait de cette saga devenue « mythique » :

Un duel acharné opposait deux adversaires dans les entrailles ténébreuses d’un temple monumental. Un homme d’une vingtaine d’années combattait un insecte géant de plus de trois mètres de haut et doté de six appendices chitineux. Comme si de minuscules lucioles avaient élu domicile dans les anneaux de son haubert et dans l’âme de cristal ornant le centre de sa lame, l’Humain scintillait dans l’obscurité à la manière d’un phare entouré par une mer d’encre insondable.
Pour la dixième fois au moins, le jeune homme portait une estocade rapide vers son opposant. Malheureusement, la lame de son épée ne parvenait toujours pas à traverser la chitine recouvrant les membres de son adversaire. L’insecte riposta d’un même mouvement avec ses quatre bras terminés par des serres. L’homme para avec son épée et son bouclier les deux premières, tout en esquivant de justesse la troisième. La quatrième l’atteignit à l’épaule, pourtant, les griffes monstrueuses ne purent déchirer la matière irisée constituant la cotte de mailles du défenseur.
Comme dans un ballet mortel, les deux protagonistes réitérèrent leurs assauts sans plus de résultat. Dans sa colère, l’insecte géant laissait vrombir ses ailes diaphanes. Claquant des mandibules, il bondit en avant. L’Humain sauta de côté, évitant de l’épaisseur d’un cheveu les pattes griffues. Profitant de sa position sur le flanc de son ennemi, il porta une attaque vers les ailes. Hélas, l’insecte replia ses élytres et l’épée ricocha en pure perte. La riposte fut immédiate. L’homme s’abrita derrière son bouclier, bloquant les quatre serres. Toutefois, la violence de l’attaque propulsa le défenseur plusieurs mètres en arrière où il heurta durement le mur de pierre noire.
Éloigné de son ennemi, la luminescence de son équipement ne permettait plus à l’Humain de discerner l’insecte géant tapi dans l’épaisse obscurité baignant la pièce. Pourtant, à l’évidence dotée de sens inhumains, la créature n’avait point besoin de lumière.
Le combattant se trouvait dans l’obligation de se concentrer sur le moindre son pour anticiper l’approche de son adversaire. En vain, hélas !
Le duel conventionnel ne tournant pas à son avantage face à la puissance de son ennemi, seule la magie pouvait encore aider l’homme. Tendant son épée devant lui, il en déclencha mentalement le pouvoir. Aussitôt, l’éclat de cristal enchâssé au centre de la lame généra une intense lumière — proche de celle du soleil — qui déchira les ténèbres environnantes.
Le combattant entendit soudain un crissement douloureux venir… du plafond au-dessus de lui. Il bondit en avant, esquivant promptement l’attaque de son adversaire. Profitant des ténèbres, ce dernier avait tenté une manœuvre de contournement en grimpant au mur à la manière d’une araignée pour surprendre son opposant. Blessé par la lumière, l’insecte s’était simplement laissé choir, étourdi.
Une idée en tête, l’homme lui jeta son bouclier à la face. À son grand désarroi, la magie temporaire de son épée choisit cet instant défavorable pour s’estomper, privant une fois encore son porteur de la vision de son adversaire. Dans le même temps, néanmoins, un bruit métallique ponctué par un nouveau crissement confirma la réussite de l’attaque peu conventionnelle.
Tout en reculant rapidement, le combattant extirpa une pierre précieuse de l’aumônière suspendue à sa ceinture. Traitée par de longs processus magiques, la gemme blanchâtre avait été spécialement créée pour son combat contre l’insecte géant. Percevant le cliquetis des pattes du monstre sur le sol de pierre noire, l’homme réitéra sa manœuvre en pointant son épée vers le son. Pour la seconde fois, sa lame projeta une forte lumière capable de briser la charge de la créature tout en la faisant grincer de douleur sous la brûlure solaire. Sans lui laisser le temps de se ressaisir, l’Humain projeta sa gemme devant la bête.
Se brisant sous le choc, la pierre précieuse libéra sa magie. Comme si une porte vers l’hiver venait de s’ouvrir, un maelström d’air polaire s’éleva vers le plafond. Pris dans la tourmente, l’insecte crissa derechef. De même que ses innombrables sbires, le monstre ne supportait pas le froid. Privé de ses moyens, il essaya de quitter le tourbillon glacial, mais son adversaire ne lui en laissa pas le temps. Criant un mot de pouvoir lié à la magie de la gemme, l’homme provoqua une augmentation de la force du maelström.
Son épée s’éteignant de nouveau, l’Humain courut vers son ennemi afin de ne pas le perdre de vue. Il bondit en avant et frappa sans attendre. Son attaque puissance obtint un résultat et l’une des pattes chuta sur le sol, tranchée net à la deuxième articulation. Grinçant de douleur, la créature recula promptement pour fuir le tourbillon glacé. À son évident désappointement, la magie la suivit tel un limier traquant un gibier. Privé de ses sens, l’insecte heurta le mur sans ménagement. Acculé, il tourna sa tête dépourvue d’yeux vers son adversaire.
L’homme plongeait déjà en avant, l’épée pointée vers l’abdomen couvert de chitine. Pourtant, contre toute logique, la créature s’évapora soudain, à la manière d’un brouillard matinal, une seconde avant que la lame n’atteigne son but. L’arme émit un tintement de protestation en frappant le mur.
Interdit, le combattant solitaire regarda autour de lui. Ne décelant rien au-delà de la luminescence de son armure et ne pouvant demeurer sans voir son adversaire, il prit le risque d’utiliser la troisième et dernière utilisation journalière de son épée. La lumière solaire dégagea derechef la salle de son voile d’obscurité, en vain. L’insecte géant n’était visible nulle part, comme s’il avait été happé par le néant.

La suite, dès demain…

Christian Perrot – 2022 – Tout droits réservés – contact.christianperrot@yahoo.fr