Calendrier de l’Avent 18 Décembre

Jour 18 : Quand les héros vivent leur vie


Vous avez découvert la scène (voir ci-dessous) dans le récent Aventures Galactiques publié par les Editions Evidence, cependant, vous ne connaissez sans doute pas ce qui est arrivé…

En vérité, j’avais imaginé une scène « classique » de remise de rançon contre un otage. Le héros se contentant de suivre les ordres de sa hiérarchie pour ne pas risquer la vie de la prisonnière. Une action résumée en quelques lignes.

Cependant, au cours de la rédaction de ce passage, j’ai laissé le personnage principal agir de son propre chef, si je puis dire, du moins, à traiter la situation selon ses habitudes, enfin, plus en accord avec son tempérament. Et, au final, le voici devenu otage à la place de l’otage !

Ben, que vous le croyiez ou non, à la fin de la rédaction de cette scène, je me suis arrêté d’écrire et je me suis dit : et maintenant, qu’est-ce que je fait ? En effet, en toute franchise, je n’avais pas du tout anticipé ce dénouement et j’en suis resté sans voix (et sans inspiration) durant un long moment. A croire que le personnage principal avait pris les rênes de sa vie sans m’en demander mon avis…

Etrange, non ?


Tandis que ses moteurs atmosphériques demeuraient allumés — maintenant l’appareil prêt à décoller — une rampe d’accès se déplia et un sas s’ouvrit dans le flanc métallique. Cinq hommes jaillirent, porteurs de lourdes armes énergétiques braquées vers les deux agents. Derrière les nouveaux venus, une silhouette apparut sur le seuil, accompagnée d’une voix amplifiée par des haut-parleurs dissimulés dans la coque.
— Montrez-vous et présentez-moi vos mains ! Pas de coup en douce ! Les gardes que vous voyez là sont prêts à faire feu à tout mouvement brusque de votre part. Avez-vous l’holo-disk ?
Tout en quittant l’abri sommaire formé par le véhicule, Kogard montra la mallette qu’il tenait à bout de bras.
— Pas le contenant ! riposta aussitôt la voix venue de l’aéronef des ravisseurs. Je veux voir l’holo-disk. Et méfiez-vous, je vous observe avec des macro-jumelles !
En soupirant, l’agent photonique ouvrit la valise, se saisit du disque holographique et l’éleva au-dessus de sa tête. En le traversant, la lumière solaire projeta un petit arc-en-ciel sur le sol.
— C’est bon ! reprit la voix amplifiée sur un ton plus adouci. À présent, avancez jusqu’au centre du toit !
Après un bref signe se voulant rassurant en direction de son équipière, Kogard s’exécuta à pas lents en s’efforçant de ne pas faire de gestes pouvant se trouver mal interprétés par les ravisseurs. Sans les voir, il devinait les nombreux canons d’armes énergétiques pointés sur sa poitrine ; bien plus nombreux que les cinq hommes visibles au pied de l’aéronef. La désagréable impression d’être un condamné marchant vers sa sentence mortelle envahit son esprit malgré son entraînement. Par pur réflexe conditionné, il passa une main moite dans sa chevelure couleur d’onyx.
— Stop ! reprit soudain la voix du ravisseur. N’avancez pas plus ! Ça suffira.
Docile, l’agent s’immobilisa. Avec soulagement, il vit une fillette quitter l’abri de l’aéronef. Ses longs cheveux bruns encadraient un visage fin n’ayant pas connu plus de dix années. Sa démarche était hésitante et elle clignait des paupières dans la forte lumière. Un homme en combinaison de combat la poussait en avant avec le canon de son arme fixée sur son avant-bras.
— Ne tentez rien ! rugit la voix amplifiée. Elle périrait une seconde avant vous !
Kogard ne broncha pas malgré son irritation : il abrogeait les individus capables d’enlever un enfant à des fins crapuleuses. Il se contint, cependant, car il ne pouvait risquer la vie d’une fillette innocente. Néanmoins, il se promit de rendre la monnaie de leurs actes aux ravisseurs.
Victime et tortionnaire atteignirent l’agent photonique immobile au milieu du toit. Malgré le vent repoussant la chevelure de l’enfant dans ses yeux, Kogard vit qu’elle pleurait. Une légère crispation de ses lèvres fut le seul signe de la nervosité de l’agent tandis qu’il se jurait intérieurement de faire payer les larmes juvéniles aux kidnappeurs indélicats.
— Le disque ! aboya le garde en combinaison de combat en braquant son arme vers Kogard.
Ce dernier mit un genou à terre devant la fillette sans paraître se soucier du canon le menaçant.
— Tu vas bien, petite ? lui demanda-t-il d’une voix douce en souriant.
— Oui ! hoqueta-t-elle entre deux sanglots.
— Tu n’es pas blessée ? continua Kogard.
— Non, ça va, affirma l’enfant.
— Le disque maintenant ! cria l’homme dressé au-dessus d’eux. À moins que tu ne veuilles me voir lui faire sauter le crâne ?
Joignant le geste à la parole, le ravisseur approcha le canon de son arme près de la nuque de la fillette dont les pleurs redoublèrent.
— Laissez-la partir à présent, commença Kogard en se redressant, les poings serrés. Je vous donnerai le disque lorsqu’elle aura atteint ma coéquipière derrière le véhicule.
— Négatif ! rugit l’homme. C’est maintenant ou je la tue !
D’un geste aussi vif que celui d’un félin, l’agent photonique glissa le disque holographique entre le canon de l’arme et la nuque juvénile.
— En détruisant le précieux holo-disk, j’en doute ! persifla Kogard.
Profitant de l’instant d’hésitation de l’individu, l’agent se saisit de l’arme adverse et la pointa vers sa propre poitrine sans cesser de maintenir le disque à l’extrémité du canon.
— C’est sur moi que vous tirerez si je bouge jusqu’à ce qu’elle arrive près de mon équipière.
— M’en crois-tu incapable ?
Dégageant avec brusquerie son arme, le ravisseur appuya le canon sur le sternum offert. Le regard de l’homme était évocateur : il n’hésiterait pas une seconde.
— Laissez-la partir, s’entêta Kogard. Elle ne vous sert plus à rien à présent… Je suis là avec l’holo-disk !
— Ok, répondit une voix provenant d’un communicateur placé à l’intérieur de la combinaison de combat. Oublie la fille ! Un agent photonique en vie vaut bien plus, nous n’y perdons pas au change.
En percevant ces paroles, la fillette regarda Kogard avec un regard empli de désarroi.
— Va, maintenant, petite, lui conseilla-t-il en souriant. Mon amie t’attend ! Va la rejoindre sans te retourner, tout ira bien.
Docile, l’enfant s’éloigna, marchant de plus en plus vite jusqu’à courir se jeter dans les bras de Lyrhya. Rassuré, Kogard tendit d’une main ferme le disque holographique à l’individu le menaçant toujours.
— Lui avec ! reprit la voix retransmise par le communicateur intégré à la combinaison.
En fronçant ses sourcils, l’agent affronta le regard sardonique de l’homme de main qui le contournait déjà pour se placer dans son dos.
— Je suppose que je suis votre prisonnier ? hasarda Kogard.
— Tu as entendu mon chef ! ricana le ravisseur en enfonçant le canon de son arme dans le dos de son nouveau captif. Tu es un bien meilleur otage.
— Pourtant, vous avez déjà obtenu votre rançon !
— Raison de plus, ta valeur augmente d’autant. En avant ! Et je t’avertis, au moindre geste suspect, tu seras unijambiste ou manchot avant de parvenir à t’enfuir.
En haussant des épaules, Kogard se dirigea à pas lent vers l’aéronef.
Accroupie avec la fillette libérée entre ses bras, Lyrhya pesta en voyant son partenaire forcé de grimper la passerelle conduisant au sas de l’appareil tandis que les autres gardes le poussaient en avant.
Un instant plus tard, l’engin fit vrombir ses moteurs atmosphériques et décolla aussitôt. L’agent photonique féminin eut un hoquet d’appréhension en voyant l’aéronef chuter brutalement vers le bas en quittant le toit. Puis, elle souffla de soulagement en constatant qu’il s’agissait d’une manœuvre volontaire destinée à quitter les lieux sur un vecteur de départ inhabituel pour mieux se soustraire aux ondes radars et autres systèmes de repérage.


Après tout, Robert E. Howard a raconté dans une interview que le personnage de Conan lui avait dicté lui-même sa vie, alors…

La suite, dès demain…

Christian Perrot – 2022 – Tout droits réservés – contact.christianperrot@yahoo.fr