Calendrier de l’Avent 19 Décembre

Jour 19 : Une série multi-auteurs

Une expérience intéressante et riche en enseignements. Je me suis retrouvé dans une sacrée équipe d’autrices et d’auteurs engagée dans une série de six romans se déroulant dans un univers imaginé par Mestr Tom, un îlot nommé Andhon Island.
Une île, au nord de l’Ecosse, souvent perdue dans le brouillard, qui recèle des secrets obscurs et tragiques. Une menace ancienne, plus vielle que l’humanité, y guette les protagonistes de cette aventure en six épisodes…
En premier lieu prévu chez Lune Ecarlate Editions, cette série commença finalement sa publication aux bons soins des Editions Nutty Sheep, avant de connaître une fin brutale avant la sortie du sixième opus pour cause de faillite et de reprise de titres par une autre maison.
Toutefois, tel un personnage résilient de ma connaissance, la série n’est pas totalement morte et pourrait bien revenir sur le devant de la scène en 2023 afin que les lecteurs et lectrices puissent en lire la fin.
En liens, les chroniques parues chez Khimaira lors de la sortie des premiers livres…
Et, plus bas, un passage de mon roman, troisième pierre posée dans la série.

Bruno
Demarbaix

Céline
Thomas

Vous savez
qui…

Laetitia
Laosakoune

Eve
Terrellon

Frederic
Livyns

Été 1851
Le chariot cahotait sur la route. Du moins, sur l’unique sentier, bien proche de la sente animalière, permettant de traverser Andhon Island d’est en ouest. Indifférent à l’identité des nouveaux arrivants, le vent marin émettait des claquements et des mugissements en frappant la bâche protégeant l’arrière du modeste attelage. Au-dessus de lui, les oiseaux de mer occultaient parfois de leur vol le soleil au zénith tout en émettant des cris moqueurs.
L’unique cheval attelé au chariot était un animal racé. Un Auxois reconnaissable à sa musculature et à sa taille. Sa robe était de couleur aubère et il avançait avec calme sans sembler se soucier des conditions météorologiques ni de l’aspect rustique de la route.
À l’avant du véhicule, assis sur le siège, un homme maniait les rênes de l’animal d’une main ferme. Les coups de bélier donnés par le souffle du ciel contre son corps couvert d’une pelisse ne semblaient pas capables de détourner son attention de la maigre voie d’accès. Son visage disparaissait derrière une épaisse barbe sombre montant jusqu’à ses oreilles dissimulées sous un bonnet grisâtre enfoncé sur son crâne.
Le sentier traversait une lande herbeuse où les tons de verts rivalisaient avec la teinte plus sombre de la terre. La sente grimpait presque sans louvoyer le long d’une déclivité délimitée par le vide. À main gauche du chemin, de hautes falaises chutaient directement vers la mer agitée d’une houle nerveuse. Plus loin en hauteur se dessinaient les contours d’un bâtiment ancien, peut-être un antique manoir de famille bourgeoise.
Soudain, une tête sortit du chariot bâché juste derrière l’oreille du cocher, celle d’une jeune femme nubile dont les cheveux se trouvaient dissimulés sous une coiffe immaculée. Son visage était pâle, presque éthéré, à peine moucheté de légères taches de son sur ses pommettes hautes. Cette frimousse entourait un regard formé par deux éclats d’ambre, deux yeux aussi clairs que des gemmes au fond d’un lac limpide. Pourtant, un simple coup d’œil sur l’environnement les noya de larmes amères et sa physionomie se teinta d’une peine profonde.
Elle apostropha l’homme d’une voix tourmentée :
— Père ! Était-il donc nécessaire de venir se perdre sur cette île à peine habitée ? Nous étions si bien à…
— Tais-toi donc, pécheresse ! riposta le conducteur dans un grognement. Nous n’avons guère eu le choix, à cause de toi !
— Pourtant, Père, je n’ai rien fait de…
— Chloé, n’ennuie pas une nouvelle fois ton père avec ça, protesta une autre voix de femme depuis l’intérieur du chariot bâché. Il a remué ciel et terre pour obtenir un travail ici, le seul endroit où une maison assez grande pour nous quatre pouvait nous accueillir, et ceci pour un tarif raisonnable. Le choix était limité à cette seule île et à cette seule bâtisse, quelle que puisse être sa réputation.
— Je n’y étais pour rien, riposta l’adolescente.
— Fariboles ! protesta l’homme en crachant sous le vent. Tes cheveux en disent plus long que ta langue ! De là d’où nous venons, tu aurais pu finir brûlée vive pour tes actions contre nature.
— Mais, Père…
— Il suffit à présent ! Je ne veux plus t’entendre avant notre arrivée.
À regret, la dénommée Chloé retourna à l’intérieur du chariot et la bâche se rabattit sur elle à la manière d’un rideau sur une scène. Au sein du véhicule, le silence revint…
L’attelage poursuivit ses cahots en direction du sommet de la butte. La voie frôla dangereusement le bord où la haute muraille minérale de couleur ocre s’enfonçait presque à la verticale dans les flots tumultueux. En contre-bas, une grande anse parsemée de roches acérées recevait la déferlante marée venue du sud.
Vers le haut de la colline, la bâtisse devenait de plus en plus visible. Pour autant, sa façade s’avérait si ancienne qu’elle en était rébarbative et peu accueillante. Autour d’elle, la végétation avait d’évidence repris ses droits immémoriaux. Les murs disparaissaient sous un lierre tenace et de hauts buissons dissimulaient son parvis.
Plus loin derrière, l’île continuait de monter jusqu’à former une sorte d’éperon rocheux dominant la mer. Au point le plus haut et le plus éloigné, une sorte de colonne de pierre se dressait à la manière d’un doigt accusateur pointé vers le ciel. Son sommet se trouvait percé d’un trou lui donnant l’apparence d’une aiguille à coudre, appartenant à un géant biblique, abandonnée là, à demi plantée dans la pierre formant le socle de l’île.
Une femme quitta la protection de la bâche couvrant l’arrière du chariot. À peine plus jeune que le cocher, elle portait une jupe simple en tissu robuste assortie à un bustier de même matière. Ses épaules se dissimulaient sous une cape de laine épinglée au cou par une fibule en métal tressé. Ses cheveux blonds aux reflets argentés étaient tressés et remontés vers le haut du crâne afin de former une sorte de couronne naturelle lui donnant l’air altier d’une princesse de sang.
Elle s’assit à gauche de son mari et entreprit de détailler leur environnement avec un regard triste. Elle ne voyait rien d’autre qu’une vaste absence de vie tout autour d’eux. Le long de l’herbage couvrant les mamelons proches, aucun animal n’était visible. Seuls les oiseaux marins survolaient la contrée, car ils venaient nicher dans les flancs escarpés des falaises. Loin de toute présence humaine, les volatiles devenaient les uniques propriétaires de cette partie sud-ouest d’Andhon Island.
— Keith ? questionna la femme d’une voix vibrante d’émotions mal contenues. C’est là notre nouvelle demeure ?
— Si fait, Cathleen, répondit le cocher sans même tourner son regard sombre vers son épouse. Le manoir des Ó Ceallaigh, à ce qu’ils m’ont dit. Des bourgeois fortunés partis depuis longtemps.
— S’ils étaient si aisés, par Dieu, pourquoi leur maison est-elle ainsi, à l’abandon ?
Is ait an mac an saol.

La suite, dès demain…

Christian Perrot – 2022 – Tout droits réservés – contact.christianperrot@yahoo.fr