Calendrier de l’Avent 23 Décembre

Jour 23 : Encore un peu de lecture ?


Allez, toujours en attendant Noël, voici encore un petit texte à lire tranquillement au coin du feu.

Merci encore pour votre intérêt pour mes écrits.


LA NUIT DES POUBELLES TUEUSES

Jérôme sortit de sa Clio blanche, ferma la porte à clé et s’engagea dans la rue silencieuse. À cause de travaux devant la gare, il avait été forcé de se garer à deux pâtés de maisons. Il se rassura en se disant que la nuit était douce et que cela permettrait à Bénédicte de se dégourdir les jambes après ses cinq heures passées dans le train. En pensant à sa fiancée, Jérôme accéléra le pas, il ne voulait pas être en retard. Tout en marchant, il réfléchit une fois encore à la liste de choses restant à faire avant son mariage proche. Lui et Bénédicte n’étaient pas en retard, mais ils avaient encore du travail…
En tournant le coin de la rue, il s’arrêta, interdit. Un cordon de police bloquait l’accès à la gare et plusieurs camions de pompiers étaient garés derrière. Brusquement angoissé en pensant au pire, Jérôme se précipita au devant du policier en faction.
– Circulez ! se contenta de lui lancer ce dernier.
– Que se passe-t-il ?
– Rien de grave !
– Mais encore, insista Jérôme. Le train de ma fiancée doit arriver dans moins de cinq minutes.
– Ne vous inquiétez pas, le train de voyageurs sera juste orienté sur une voie de garage. C’est un train de marchandises qui a eu une fuite.
– De quel genre ?
– Cela ne vous regarde pas ! À présent, circulez !
– Et mon train ?
– Vous n’êtes pas autorisé à vous approcher de la gare tant que les pompiers n’auront pas éliminé le produit chimique.
– Comment je fais, alors ?
– Comme les autres : vous attendez sagement que l’on vous appelle ! s’énerva l’agent. Ne vous inquiétez pas pour votre femme, elle est en sécurité dans le train.
À l’instant où il disait cela, un affreux crissement de freins vrilla les tympans de toutes les personnes présentes. Dans un vacarme assourdissant, le train de voyageurs vint s’encastrer dans le train de marchandise arrêté à l’entrée de la gare.
Profitant de l’affolement général, Jérôme se mit à courir en se faufilant entre les véhicules. Contournant la gare, il arriva sur les lieux du drame. Par miracle, le train de voyageurs ne s’était pas couché de côté malgré son déraillement. Légèrement penché sur le quai, il vomissait ses passagers transformés en marée paniquée.
Avançant à contre courant, Jérôme faillit crier de joie en apercevant Bénédicte au milieu de la foule. En jouant des coudes, il parvint à la rejoindre et à la prendre dans ses bras. Ensemble, ils se laissèrent entraîner vers l’extérieur de la vague humaine et parvinrent à en sortir sans être blessés.
Essoufflés, ils s’appuyèrent contre un mur proche en remerciant le ciel du dénouement heureux de cette aventure inattendue. À peine une poignée de secondes s’écoulèrent avant qu’un concert de hurlements hystériques résonne dans la rue. Avec stupeur, Jérôme et Bénédicte virent la foule refluer en désordre vers eux. Leur étonnement se transforma en peur lorsqu’ils virent ce que fuyaient les gens.
Un groupe de grandes poubelles roulaient derrière les fuyards. Telles des créatures jaillies d’un esprit dérangé, elles claquaient leurs couvercles dans le but évident d’attraper leurs victimes. Certains containers portaient même de grandes tâches de couleur sombre pouvant être le sang de malheureux n’étant pas parvenu à les distancer.
La panique générale augmenta encore d’un niveau quand un nouveau groupe de poubelles jaillit de l’autre côté de la gare. Prise entre deux dangers, la foule hurlante changea de direction en s’engouffrant dans le couloir souterrain circulant sous les voies de chemin de fer.
De l’endroit où ils se tenaient, Jérôme et Bénédicte voyaient à la fois le bas de l’escalier souterrain et les mouvements des poubelles. Avec effroi, ils virent ces dernières se rassembler à la manière d’une armée couverte de sang. Cà et là, l’une ou l’autre claquait son couvercle pour y faire disparaître un membre tranché. Dans le même temps, Jérôme et Bénédicte constatèrent que la foule ayant atteint le passage couvert hurlait de douleur au contact d’un étrange liquide baignant le sol.
Jérôme se frappa le front de sa paume en analysant les faits en les associant aux paroles de l’agent.
– Le produit chimique !
Devant la mine interrogative de sa fiancée, il s’expliqua dans un murmure :
– Un train a été obligé de s’arrêter ici pour cause de fuite. C’est celui-ci que le tien a percuté ! Sans doute une erreur d’aiguillage. Le premier train a perdu du produit chimique manifestement toxique. Ce liquide a pu se répandre un peu partout en suivant les caniveaux ou les tuyaux de voirie. En touchant les poubelles, il a sans doute déclenché une réaction incroyable pour leur donner vie !
– C’est fou ! laissa tomber Bénédicte. Même ton ami écrivain amateur n’aurait pas pu avoir une idée aussi saugrenue.
– Comment expliquer autrement ce qu’il nous arrive ?
Comme les hurlements de la foule redoublaient d’intensité, Jérôme et Bénédicte tournèrent de nouveau leur attention sur le passage souterrain et leurs yeux s’agrandirent de terreur en voyant les malheureux en train de se dissoudre dans le liquide toxique. Ne pouvant descendre les escaliers, les poubelles se contentaient d’attendre en haut des marches pour engloutir les personnes essayant de s’échapper du piège formé par le passage souterrain. Coincées entre le liquide et les containers tueurs, aucune victime ne survivait.
De nouveaux hurlements provenant de la rue voisine firent sursauter Jérôme et Bénédicte. Un nuage étrange sourdait des égouts et s’agglutinait contre les maisons. À son contact, les passants se dissolvaient et les objets inanimés se mettaient à bouger. Mus par la même folie carnassière que les poubelles, ces derniers attrapaient toute personne à leur portée pour les dévorer avec un plaisir évident.
Jérôme et Bénédicte n’eurent pas le loisir de détailler plus longtemps le phénomène contre nature. Quatre poubelles s’étaient détachées du groupe et roulaient vers eux de toute la vitesse permise par leurs petites roulettes. Se retournant pour fuir, le couple se trouva nez à nez avec trois autres qui s’étaient approchées sans bruit.
Serrant sa fiancée dans ses bras en un pathétique geste de protection, Jérôme ferma les yeux. Une douleur sans borne l’envahit lorsqu’un couvercle de poubelle le happa et que le liquide toxique attaqua ses chairs. Il hurla de peur et de douleur…

Le cri de Jérôme le réveilla brutalement. L’esprit encore embué de sommeil, il lui fallut quelques secondes pour comprendre que les monstres mutants dévorant d’innocents passants évoluaient seulement dans la télévision. Eveillée, elle aussi, en sursaut, Bénédicte, assise à côté de lui sur le canapé du salon, bailla en s’étirant.
– Quel navet, ce film ! soupira-t-elle en se levant. Décidément, les jaquettes des films sont enjôleuses mais souvent fausses.
– Que veux-tu, affirma Jérôme tout en s’extirpant de son cauchemar. À force de vouloir seulement louer des films que je n’ai pas encore vus, le choix diminue constamment.
Bénédicte éteignit le film avant de répondre.
– Ce n’est pas grave, cela nous laisse un peu de temps pour un moment opportun…


La suite, dès demain…

Christian Perrot – 2022 – Tout droits réservés – contact.christianperrot@yahoo.fr