Calendrier de l’Avent 06 Décembre

Jour 06 : Série d’anticipation


Savez-vous que j’ai écris un roman sous forme d’une série en six épisodes, à la manière d’une série télévisée ?

Il s’agit d’un roman d’anticipation très documenté sur les drones (existants ou en devenir), mais aussi sur les robots androïdes, en survolant le refus psychologique pouvant être éprouvé par des humains face à un être artificiel « trop » parfait (concept de la Vallée de l’Etrange).

Une écriture intéressante qui m’a permis d’étudier des appareillages et des technologies pouvant paraitre effrayantes sans les contrôles liés.

Le roman a été rédigé en six parties écrites en respectant la logique des séries télévisées (avec cliffhanger et un peu de romance, parmi un grand nombre de scènes d’action). Publiés mensuellement en numérique sous des couverture de Nathy, ils ont ensuite été regroupés dans une seule publication.

Hélas, la maison d’édition Lune Ecarlate ayant cessé ses activités, il est difficile de se procurer des exemplaires de cette série.

Dans l’attente d’une nouvelle publication, voici un extrait :


Brian Nilmac se leva en baillant à s’en rompre la mâchoire. Son radioréveil indiquait 07 h 00. Il était temps d’entamer sa journée. Sans un regard pour le « majordome » électronique indépendant, il se déshabilla, puis passa dans la salle de bain. Derrière lui, le petit engin volant ramassa son pyjama, à l’aide de la pince ornant la partie inférieure de sa carlingue, et le jeta dans la corbeille à linge sale.
Dès la cabine de douche refermée, une pulvérisation de gel recouvrit le corps masculin. Sans alcool et biodégradable, ce gel de lavage antibactérien , capable de générer sur la peau un film à la fois nettoyant et hydratant, présentait tous les avantages : du gain d’eau douce non négligeable pour la planète, au gain de temps pour des consommateurs de plus en plus pressés. Un instant plus tard, une projection d’air chaud permit à l’homme de quitter la pièce, propre et sec. Dans l’intervalle, le D-Butler s’était chargé d’allumer la télévision murale, d’adapter la température de la pièce à la nudité de son hôte, sans oublier de lui apporter sa chemise et son costume, accrochés à un cintre, directement prélevés dans le vaste dressing.
Vivant seul, Brian ne se préoccupait guère de sa tenue. Il avait pour habitude de déambuler dans son logement de fonction dans la plus stricte nudité sans se soucier d’être vu par la fenêtre de l’immeuble qui faisait face au sien. En tenue d’Adam, il but son café, son jus d’orange et grignota ses toasts. Comme souvent, il les trouvait trop cuits et se promit, in petto, de diminuer le thermostat du grille-pain, pour oublier immédiatement cette bonne résolution.
Sur le mur, l’écran de télévision déroulait en boucle les dernières informations qui défilaient, en bas, dans un bandeau coloré. Le reste de l’écran était coupé en quatre : publicités, chroniques, feuilletons et films. Il y en avait pour tous les goûts ! Brian n’avait qu’un mot à prononcer pour que son drone « majordome » agrandisse la chaîne choisie en plein écran tout en basculant le volume sur « on ».
Dans le silence reposant de la pièce, il parcourut des yeux quelques nouvelles brèves. De manière immuable, la surpopulation de la mégalopole engendrait son lot quotidien de rixes et de problèmes menaçant l’ordre public. Dans la partie « chroniques » de l’affichage, les reportages se succédaient au fil des heures pour rassurer la population tout en cherchant à dissuader les ennemis de la loi et de l’ordre de sévir.
Sur un canal dédié, il était possible de suivre, en direct, le ballet perpétuel des drones patrouilleurs dotés de caméras à vision thermique, occupés à quadriller les innombrables rues à la recherche d’éventuels contrevenants. Les drones policiers, spécialement équipés d’armes d’immobilisation, se chargeaient, eux, de mettre les malfrats hors service jusqu’à ce qu’interviennent les équipes humaines pour les interpellations finales.
Une sonnerie retentit dans l’appartement, rappel du rendez-vous de Brian avec ses élèves.
Sans se préoccuper de sa tenue, l’homme alla s’asseoir derrière son bureau. Celui-ci se limitait à une plaque de verre se dépliant du mur sur simple commande. En dessous de celle-ci, un boîtier clair se noyait dans la teinte de l’objet. Une seconde plus tard, son ordinateur sans écran projetait, directement sur le mur, le logo de bienvenue du système d’exploitation bureautique.
Les doigts de Brian coururent un instant sur le clavier virtuel recréé, au laser, sur le plan horizontal de son bureau. Plusieurs vues de salles de classe formèrent une mosaïque d’images. Dans chacune, une grande quantité d’étudiants patientait dans l’attente du début du cours quotidien.
Avant d’activer la visualisation tridimensionnelle, Brian choisit son masque du jour parmi une liste informatique sans cesse renouvelée. Depuis des années, les professeurs ne montraient plus leur vrai visage à leurs élèves. Trop de dérives et de drames entachaient le passé de la profession. Ces différentes affaires, toujours extrêmes et souvent mortelles, avaient conduit les autorités compétentes à prendre cette décision radicale de déshumanisation. Ensuite, ce fut le tour de la dématérialisation des enseignants. Désormais, seuls des hologrammes en trois dimensions apparaissaient dans les classes. Outre l’aspect sécuritaire, cela permettait à un même professeur de transmettre ses connaissances à des milliers de jeunes gens en simultané d’un bout à l’autre de la mégalopole. Gain de temps pour l’enseignant et gain d’argent pour la collectivité, puisque les effectifs étaient ainsi réduits à leur strict minimum.
Brian se tint un instant immobile durant le scan effectué par son D-Butler octocoptère à gyroscope intégré. Sur l’écran projeté contre le mur, il put discerner son image holographique, vêtue d’un costume sombre sur une chemise claire, tenue bien plus correcte que sa présente nudité. En guise de visage, un masque dénué d’expression, mais couvert d’arabesques mouvantes du plus bel effet artistique. Les esthètes présents dans certains amphithéâtres apprécieraient peut-être. Il sourit à cette idée.
Brian lança la communication bidirectionnelle entre son appartement et les nombreux établissements d’enseignement supérieur. Il débuta d’une voix forte et posée en s’adressant au kaléidoscope de visuels défilants lentement devant lui :
— Jeunes gens, bonjour. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue en ces lieux de transmission de la connaissance. Votre cours du jour aura pour sujet le développement des drones dans notre structure sociale.
Tout en parlant, Brian pouvait suivre les questions posées, in live, par les étudiants via leurs implants biologiques directement connectés au SymbioNet . Le professeur répondrait aux plus pertinentes durant son argumentaire ou à la fin, en fonction de son envie du moment. Quant aux autres, il les écarterait comme autant de quantités négligeables ne justifiant pas que l’on y perde du temps.
Dans plusieurs salles de classe, il discernait, parmi les élèves, quelques drones posés à même les pupitres, voire carrément au sol ou sur les marches des escaliers. La plupart étaient des modèles simples dotés d’une caméra capable d’enregistrer la totalité de la conférence. Les élèves pouvaient ainsi assister au cours « en différé ». Un moyen comme un autre de vivre à son rythme personnel.
Il s’agissait d’un phénomène en augmentation dans certains quartiers de la mégalopole où les individus ne suivaient pas tous les enseignements dispensés. Tout dépendait du niveau tant intellectuel que financier des universitaires et de leurs parents. Certains, les plus studieux, arrivaient ainsi à travailler le jour et à étudier la nuit, parfois même en obtenant des notes très satisfaisantes. Pour d’autres, envoyer son drone s’avérait n’être qu’une réponse à leur paresse chronique. Les fêtards qui ne parvenaient pas à quitter leur lit le matin optaient en toute logique pour l’apprentissage « à la carte », pratique sur le moment, mais complétement improductif sur le long terme. Ces universitaires-là allaient rarement loin. La plupart du temps, ils ne visualisaient jamais les cours enregistrés. Ils se contentaient souvent de notes médiocres et de résultats plus que moyens. Certes, avec un enseignement adapté prodigué par un véritable professeur pour les guider et les aider, plusieurs auraient pu reprendre le flambeau de la connaissance, voire même dépasser les plus studieux. Malheureusement, le système ne s’occupait que des meilleurs. La sélection « naturelle » éliminait les plus faibles.
Mais Brian se moquait de tous ces jeunes qu’il jugeait irresponsables ! Il était payé au temps passé, pas au nombre d’auditeurs à ses exposés. Aussi poursuivit-il son travail de sa voix traînante :
— Vous savez sans doute déjà que les drones ont été imaginés et expérimentés durant la Première Guerre Mondiale par vos ancêtres. Par contre, je vous apprendrai peut-être que le terme « drone » est un mot anglais utilisé pour désigner le mâle de l’abeille, autrement dit le faux-bourdon . À en croire le récit populaire, dans les années 1930, certains avions-cibles émettaient un bruit proche de celui que produit cet insecte tout en disposant d’une vie aussi éphémère. Cette appellation, d’abord utilisée par dérision, s’est finalement implantée dans le langage courant.
Brian soupira de découragement en parcourant des yeux certaines remarques désobligeantes émises par plusieurs étudiants et retranscrites par les nombreux engins automatisés présents dans chaque salle de classe. Année après année, les jeunes se montraient de plus en plus irrespectueux envers leurs aînés !
— Toujours est-il, continua-t-il sans émotion apparente, que ces drones ont considérablement évolué au fil des décennies. Ils étaient, avant tout, des engins aériens militaires parfaitement adaptés à des missions de reconnaissance et de prise de photographies. Ils devinrent ensuite terrestres, pour accomplir quantité d’actions plus proches du terrain ; puis marins, pour des missions de surveillance des tsunamis et autres mouvements de vagues. Dans certains cas, ils furent aussi employés à des fins moins glorieuses puisqu’ils ont permis, entre autres, d’éliminer certains terroristes en étant adaptés en drones de combat. Depuis plusieurs années, les drones se sont transformés en objets civils. Ils ont envahi notre quotidien au même titre que la téléphonie ou l’informatique que vous connaissez tous. La réglementation s’est adaptée à la demande, bon gré mal gré, ainsi qu’aux besoins croissants d’assistance des humains en général. La lettre « D » apposée en préfixe à tous les modèles de drones, civils comme militaires, est un exemple de cette stricte réglementation. Désormais, il est concevable de dire que les drones sont partout et rendent tant de services qu’ils en deviennent indispensables au commun des mortels.
Sous la mosaïque d’images des amphithéâtres projetée sur le mur, Brian vit s’inscrire la question qu’il obtenait toujours durant cette leçon historique.
— Oui, reprit-il, une interrogation légitime. Pourquoi des drones, et pas des robots ? Ce qui entraîne une autre question : où finit le drone et où commence le robot ? Ou, en d’autres termes : qu’est-ce qui différencie un robot d’un drone ?
Plusieurs remarques et demandes s’affichèrent de concert. Cela fit sourire Brian, malgré les années écoulées, les élèves demeuraient tellement prévisibles. Navrant !
— Bien sûr, la réponse se trouve dans l’adaptabilité et le nombre de tâches. En fait, un drone est généralement un objet conçu pour une fonction unique ou pour un ensemble d’actions spécifiques relativement proches. Ils peuvent, par exemple, activer d’autres appareils via une connexion infra-rouge ou Bluetooth. De fait, ils sont ultraspécialisés ! Leur conception les rend extrêmement maniables et légers. Souvent de petite taille, ils peuvent transporter des charges bien plus lourdes que leur propre poids. C’est surtout le cas des drones terrestres qui assistent les ouvriers sur les chantiers de constructions urbains. Quant aux modèles aériens, leurs utilisations sont variées, et pas uniquement limitées à la simple prise de vidéos. En résumé, un robot serait soit trop grand, soit trop lourd, soit inadapté du fait même de sa pluridisciplinarité. Il serait vite dépassé, même en dotant son cerveau d’une intelligence artificielle capable d’auto-apprentissage . Non, c’est un fait incontournable, confirmé par de nombreuses études scientifiques menées par divers organismes d’enquête, le drone est fait pour cohabiter avec l’homme, pas le robot.
Nouvelle série de questions posée par les étudiants, vite parcourue par Brian sans lui octroyer la moindre surprise.
— Certains d’entre vous semblent connaître le concept de « Vallée de l’étrange » élaboré durant des recherches effectuées dans les années 1970 . Un roboticien de l’époque, dont le temps a effacé le nom , s’intéressait à la réaction des êtres humains mis en présence de robots humanoïdes. Toute personne confrontée à ce que l’on pourrait qualifier d’androïde développe une réaction psychologique inconsciente. Même si ledit robot est très ressemblant, notre cerveau est capable de repérer les infimes détails non-humains. De fait, la vision d’un androïde met mal à l’aise et perturbe tout humain. Certes, chacun le vivra de manière différente, mais cela ne changera rien au problème. L’interaction entre robots humanisés et êtres vivants est vouée à l’échec, quelle que soit la situation.
Brian soupira en parcourant des yeux les commentaires. Il trouvait les étudiants toujours aussi pressés, incapables d’attendre la fin d’un argumentaire.
— J’y viens, assura-t-il. La dénomination « Vallée de l’étrange » est liée à un graphique traçant la « courbe d’acceptabilité » d’un objet proche de la forme humaine à nos sens humains .
En quelques mouvements des doigts sur son clavier virtuel, il fit apparaître une courbe ressemblant à un « N » déformé dont l’une des pointes aurait glissé vers le bas. Sans le voir, il savait que cette image venait de jaillir du néant au-dessus de sa représentation holographique dans toutes les salles de classe. Il en eut confirmation en discernant plusieurs visages s’orienter vers le haut.
— Le creux le plus important, commenta-t-il, en dessous de la ligne des abscisses tenant compte du degré de ressemblance à un humain dit en bonne santé constitue cette fameuse « Vallée de l’étrange ». Vous remarquerez également qu’un objet en mouvement creuse davantage la courbe en question que le même objet immobile…


La suite, dès demain…

Christian Perrot – 2022 – Tout droits réservés – contact.christianperrot@yahoo.fr